GiedRé
est un OCNI. Comprenez « Objet Chantant Non Identifié ».
Affectant des tenues au kitsch intelligemment stylisé et au savant
mauvais gout, cette lituanienne arrivée en France à l’âge de
sept ans plante un hachoir de fraicheur dans notre paysage musical.
Quand la chanson hexagonale se complait dans la tranche de vie
blafarde, GiedRé aborde les vrais sujets (la mort, la souffrance, la
solitude, la maladie, l’abandon, le deuil...) avec une délicatesse
rigolarde, une potacherie de dentellière et un refus de tout
compromis.
Mais ne
vous y trompez pas : ici, rien de vulgaire, rien de
complaisant. Dans ses textes, GiedRé appelle un chat un chat et
ne nous épargne rien… surtout le pire ! Chaque antienne est
comme une petite nouvelle, une comptine, quelque fable incisive, que
la chanteuse nous glisse depuis son œil de biche chirurgicale,
jouant de sa vraie-fausse candeur avec une soufflante virtuosité.
A mille
lieues de la chanson bêtement engagée (qu’elle brocarde à loisir
et raison), GiedRé ne s’embarrasse pas de concepts ; elle ne
s’intéresse pas aux idées mais aux gens, aux êtres, dans toute
leur désolante banalité/complexité.
« Comprendre
et ne pas juger » proclamait
Simenon : à sa façon -mutine et funambule, charmeuse et
percutante- GiedRé ne dit pas autre chose. Sa comédie humaine est
un monde d’éclopés et de salauds, ou chacun oscille entre le
calvaire et l’extase, englué dans le réel le plus poisseux et le
plus simple. Elle ne délivre aucun message inutile : elle montre,
tout,
jusqu’à l’hilarant, jusqu’à l'atroce.
En 2016,
GiedRé est le fruit d’une époque qui a digéré Brassens et
Houellebecq.
Baladine
nomade, elle a, au gré de ses albums (depuis 2011 : Mon
premier disque, Mon premier CdVd et MoN PREMIER ALbuM geNRe PaNNiNNi,
tous les trois auto-produits et auto-distribués ;
MoN PREMIER ALbuM VeNdu daNS LeS VRAIS MAGASINS et
MoN PReMieR aLBuM aVeC D'auTReS iNSTRuMeNTS Que JuSTe La GuiTaRe,
également auto-produits et distribués par la Fnac)
parcouru les routes de France et les salles parisiennes (La
Cigale, l’Olympia…)
pour faire rire et glacer.
Car elle
est drôle, GiedRé : à se déboiter la mâchoire ! Un
sens comique implacable, ouvragé par sa formation de comédienne, à
l’ENSATT. Tout son tour de chant (nous ne sommes pas au concert,
pas non plus au théâtre, mais quelque part entre le music-hall et
le stand-up)
est un authentique spectacle, verrouillé comme un château de
cartes. Une sorte de boite a bijou dont chaque joyau serait épicé
de sang frais, saupoudré de malaise et relevé d’un zeste de
sadisme.
Voici
deux ans, elle s’est même exportée au Japon pour lancer la
version nippone d’On
fait tous caca !
Dira-t-on
que Lalala,
son dernier album est celui de la maturité ? Cette formule
consacrée ne signifie pas grand-chose, surtout si on l’applique à
cette douce asperge balte aux allures de schtroumpfette, qui vient de
fêter ses trente ans. Disons que Comme
tout le monde, Pas des hommes
ou Quand
on est mort
sont des chansons moins guillerettes, plus sombres. Désormais le
rire s’étrangle car il dévoile sa lucidité. Tout rigolarde
qu’elle soit, GiedRé pointe la souffrance des petits, des
sans-grades. Mais sans jamais verser dans l’indignation
consensuelle. Au sens premier du terme : GiedRé compatit. Et
cette compassion abrasive ne se drape d’aucun tabou, sinon la
générosité.
Nul
risque, donc, que GiedRé soit rattrapée par le maelstrom de la
variété. Ses disques sont autoproduits, elle en a le final-cut,
tout comme ses clips ou ses livrets d’albums, qu’elle mitonne
avec une précision d’artificier. Les concessions ? Connaît
pas.
Après un
an d’absence, GiedRé va reprendre le chemin des routes de France,
pour ce qu’elle appelle ses « tournantes ».
Aux
abris : voici l’OCNI !
Retour à GiedRé.
Retour à GiedRé.
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